Mission ordinaire d'un pilote de "reco"
Détecter, reconnaître, identifier. Trois verbes qui
définissent très exactement la mission du pilote de reconnaissance.
Mission placée sous le signe de la préparation, du sens de
l'équipe et de la réussite.
Briefing
Sur la Base aérienne 112 de Reims, à l'escadron de reconnaissance
1/33 " Belfort ", tout commence pour le pilote dès 8h15. Juste le
temps d'arriver que déjà, dans le quart d'heure qui suit,
le briefing va avoir lieu. Là, les officiers renseignement (OR)
proposent des matériels à aller reconnaître ou des
sites susceptibles d'intéresser les missions d'entraînement
du jour.
Le commandant d'escadrille, chargé de l'élaboration des
ordres de vol, attribue des objectifs potentiels: sites électroniques,
radars, antennes de transmissions, ponts, sites missiles... Il s'appuie
sur les précieuses données du briefing et dispose d'un dossier
d'objectifs - en France, Belgique, Hollande et Allemagne - répertoriés
dans des classeurs tenus à jour par les OR. Ensuite, au pilote d'organiser
sa mission afin de pouvoir traiter les objectifs d'une manière cohérente,
les officiers renseignement pouvant alors lui fournir de précieux
conseils d'identification sur les dits objectifs.
" En général, explique le capitaine Massé,
35 ans, chef de patrouille au 1/33 " Belfort ", le commandant d'escadrille
donne une heure sur le premier objectif ou sur ce que l'on appelle une
porte d 'entree lorsque l'on crée une situation tactique. C'est-à-dire
que pour s'entraîner nous allons simuler que le front est situé
dans telle ou telle région. Cette heure précise sur la porte
d'entrée est très importante. Connue des forces terrestres
déployées sur la zone de contact, elle permettra aux pilotes
de survoler cette zone en évitant les tirs fratricides. Nous simulons
également des sites missiles fictifs qu'il faudra éviter.
Cet ensemble constitue alors le plan de la mission et c'est au pilote d'intégrer
tous ces paramètres pour se préparer de manière optimum.
"
La préparation
A partir de là, le pilote étudie ses objectifs pour pouvoir
utiliser le soleil, le relief, autrement dit tout ce qui lui permettra
d'arriver sur l'objectif en utilisant au maximum la surprise afin d'éviter
d'être détecté: c'est ce que l'on appelle l'intervisiblité.
Mais déjà le temps presse, et le pilote doit étudier
sa mission, aidé en cela par CINNA, Console interactive numérisée
de navigation aérienne. Cet ordinateur, situé dans la salle
de préparation missions, permet de tracer la mission puisqu'il contient
la carte de la région à survoler. La CINNA intègre
le CATA (Cadre Tactique) qui est mis à jour régulièrement
par l'OR: la visualisation des dangers sol-air est immédiate.
" Ensuite, poursuit le capitaine Massé, ces paramètres
sont enregistrés sur une petite cassette, un MIP (Module d'Insertion
de Paramètres), qui contient tous les points par lesquels le
pilote veut passer. Une fois à bord du F1 CR, il introduit le MIP
dans le calculateur principal de l'avion qui va restituer toutes les informations
du vol dans le collimateur tête haute. Toutefois, nous emmenons toujours
un support papier car, grâce à CINNA, nous pouvons utiliser
des cartes imprimées en couleur, le déplinav. " Autant
dire que rien n'est laissé au hasard.
" Le but du jeu, quand nous partons en mission, est de tout savoir.
Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser des renseignements dans un
coin sans les avoir exploités car ils peuvent être de la première
importance. D'ailleurs, il faut savoir qu'une mission de reconnaissance
bien préparée n 'est pas difficile à réaliser,
notamment grâce à notre système de navigation. 80%
de la réussite d'une mission sont condi-tionnés par sa préparation
rigoureuse: c'est ce que nous essayons d'apprendre aux jeunes. En vol,
cela permet d'être beaucoup plus serein et s'il y a un événement
impromptu, possédant tous les éléments, le pilote
saura prendre la décision adéquate. "
Dernier petit tour par la salle des opérations, le Mirage F1
CR attend sur le taxiway, pourvu des capteurs adaptés à la
mission.
Exploitation en temps réel
Une fois en l'air, le pilote n'aura plus qu'à traiter ses objectifs,
les regarder et, bien entendu, les photographier. Avant de se poser, si
le pilote a utilisé Super Cyclope, le capteur infrarouge, il aura
la possibilité de les retransmettre en vol - en direct ou en différé
- à l'OR qui se trouve à ce moment là dans la cabine
SARA. Cette opération permet de gagner du temps dans l'exploitation.
" Et lorsque le pilote arrive à portée radio, précise
le capitaine Massé, il fait ce que l'on appelle un in-flight
report, un compte rendu de mission: il décrit ce qu'il a vu à
l'OR qui en prend note. Tout cela est codé, nous utilisons toute
la documentation OTAN pour travailler. D'ailleurs, cela nous permet, lorsque
nous travaillons, et c'est de plus en plus le cas, avec les forces de l'OTAN,
comme actuellement au dessus de la Bosnie, de nous intégrer plus
rapidement puisque nous avons les mêmes procédures. Le langage
est commun. "
Identification des clichés
Au retour du Mirage F1 CR, un des mécaniciens de la photographie
se rend sur le taxiway et décharge les caméras (Omera 40
ou Omera 33). À lui, dans la foulée, d'assurer le développement
des films et de les présenter aux IP, aux OR et au pilote qui travaillent
de concert. Le pilote répète son in-flight report et présente
l'axe d'arrivée sur les objectifs, ce qui permet de les identifier
et d'analyser précisément ce qui s'y trouve. Des clichés
sont sélectionnés et un tirage papier est demandé.
À l'issue, les photographies sont renseignées par les IP
et envoyées, en opération, aux décideurs. La mission
est terminée. Les yeux du Mirage F1 CR ont parfaitement fonctionné.
Il s'agissait d'un entraînement ordinaire, mais sa valeur égale
celle des missions opérationnelles. C'est préparer pour garantir.